Tonto
by on April 21, 2022
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CULTURE JURIDIQUE ?? : LE PROCÈS DE SOCRATE
• Le procès de Socrate décrit par ses contemporains
La première tétralogie de dialogues, par Platon, élève de Socrate, a le procès et l'exécution de Socrate pour thème central : Euthyphron, Apologie de Socrate, Criton et Phédon. De même, Xénophon écrit son Apologie de Socrate.
Les accusateurs de Socrate sont au nombre de trois : Mélétos, Anytos et Lycon.
Mélétos est poète et c'est sans doute lui qui a déposé la plainte auprès de l'archonte-roi. Bien que dans leurs Apologies Platon et Xénophon le fassent dialoguer avec Socrate, il est peu vraisemblable que lors du véritable procès ait eu lieu un tel dialogue, à la manière habituelle des dialogues que Socrate entamait avec ses interlocuteurs. Mélétos apparaît chez Platon et Xénophon comme un individu sans envergure, et n'était sans doute que le prête-nom d'Anytos.
Anytos est un politicien issu d'un milieu plus modeste que celui des hommes politiques appartenant aux anciennes familles aristocratiques et qui avaient dirigé jusque-là la cité. Il est tanneur, c'est-à-dire qu'il exploite une main-d'œuvre servile dans un atelier de tannerie, et c'est un homme riche. Proche de Théramène et des modérés, il rejoint cependant en exil Thrasybule lors du gouvernement des Trente en 404. C'est donc un homme politique en vue après la restauration de la démocratie, parmi les plus puissants, si l'on en croit Isocrate. Anytos est l'un des personnages du Ménon de Platon : il y apparaît comme opposé aux sophistes, qu'il juge dangereux pour la jeunesse.
Lycon est un personnage dont on sait peu de choses. Orateur, il est la cible de poètes comiques tels Eupolis et Cratinos. Appartenant à l'entourage d'Anytos, il était sans doute chargé avec d'autres de soutenir ses intérêts dans les assemblées ou les procès.
Chefs d'accusation :
En avril 399 av. J.-C., Socrate se vit accuser par Mélétos, ainsi que deux de ses amis (Lycon et Anytos), de deux crimes, découpés en trois chefs d'accusation :
-Ne pas reconnaître les dieux que reconnaît la cité ;
-Introduire des divinités nouvelles ;
-Corrompre les jeunes gens.
-Déroulement du procès Modifier
Maison creusée dans la colline du Pnyx et désignée comme la « Prison de Socrate ».
Le premier élément du procès est une accusation formelle, que l'accusateur Mélétos prononce devant l'archonte, un fonctionnaire d'État ayant principalement des responsabilités religieuses. Ayant décidé de recevoir la demande, l'archonte convoque ensuite Socrate pour qu'il paraisse devant un jury composé de citoyens athéniens, pour répondre des charges de corruption de la jeunesse et d'impiété.
Les jurys athéniens antiques sont choisis par tirage au sort, à partir d'un groupe de volontaires masculins. Contrairement aux procès modernes, les verdicts à la majorité sont plutôt la règle que l'exception (on peut trouver une satire de ces jurys dans la comédie d'Aristophane Les Guêpes).
Ni Platon, ni Xénophon ne mentionnent le nombre des juges, même si Platon suggère des limites claires : seuls trente votes auraient suffi à acquitter Socrate, et que moins des trois cinquièmes ont voté contre lui.
Le procès se déroula en deux temps. Dans un premier temps, on estime que 501 jurés furent réunis pour son jugement, car c'était le nombre habituel de jurés pour ce type de procès. Socrate refusa de lire un discours de défense qui avait été écrit à son attention par Lysias. Socrate préfère alors raconter sa vie aux jurés. Cette attitude lui vaut d’être jugé coupable avec 281 voix contre lui.
Dans un second temps, il est question de choisir la peine encourue par Socrate reconnu coupable : au choix la mort (ce que souhaitent ses accusateurs), ou de payer une amende. Pour inciter les parties à une plus grande modération, les juges devaient, non pas déterminer leur propre sentence, mais choisir parmi les propositions des deux parties du procès (l’accusateur Mélétos et l’accusé Socrate) celle qui leur paraissait la plus raisonnable. Socrate avait donc la possibilité de proposer une peine qui pût être acceptée par les juges.
Socrate, après avoir exprimé sa surprise d'avoir été condamné par une si petite majorité, propose qu'on lui offre un repas au Prytanée en récompense de ses actions envers la cité, un honneur immense accordé aux bienfaiteurs de la cité et aux vainqueurs des Jeux olympiques, puis propose de payer une mine (100 drachmes), qui est un cinquième de ses biens et un témoignage de sa pauvreté. Finalement, il s'arrête sur la somme de 30 mines (3000 drachmes), garantie par Platon et Criton. Ses accusateurs proposent la peine de mort.
Son attitude finit par exaspérer les juges qui y voient peut-être de l'arrogance— Socrate n'a pas arrêté de rappeler tout au long de son procès que ce n'était que vérité — et Socrate fut condamné à mort avec 30 voix de plus sur 501 votants d'après Platon. Socrate se vit alors condamné à boire un poison mortel, la ciguë. Ayant eu, pendant son emprisonnement, l’occasion de s’enfuir, il refusa de le faire au motif que le respect des lois de la cité était plus important que sa propre personne. Lorsque Socrate entendit Xanthippe se plaindre, en invoquant que cela était injuste, il lui répondit : « Aurais-tu préféré que ce soit justement ? Anytos et Mélétos peuvent me tuer, ils ne peuvent me nuire. » (Apologie, 30c-d)
Les disciples de Socrate l'encouragent à fuir, et les citoyens s'attendent à ce qu'il agisse ainsi ; mais il refuse en raison de ses principes. Montrant son accord avec sa philosophie d'obéissance à la loi, il va vers sa propre exécution, en buvant la cigüe, poison qui lui est fourni. Il meurt à 70 ans.
Plutarque écrit qu'après avoir laissé condamner Socrate à mort, les Athéniens s'en voulurent et se prirent de haine pour ses accusateurs à tel point qu'on forçait les garçons des bains publics à changer leur eau de baignade, entre autres harcèlements, si bien qu'ils se pendirent.
Athènes après la mort de Socrate
En dehors des témoignages laissés par ses disciples Xénophon et Platon, la mort de Socrate semble n'avoir eu que peu d'écho parmi ses contemporains. On en trouve aucune mention dans les pièces d'Aristophane postérieures à - 399 (L'Assemblée des femmes, Le Ploutos), ni dans les discours de Lysias, qui avait pourtant fréquenté Socrate, d'Andocide ou d'Isocrate, peut-être l'un de ses disciples. Aussi peut-on douter que ce que rapporte Diogène Laërce (II, 43) relève de la réalité historique : « Le repentir suivit de près chez les Athéniens : on ferma les jeux et les gymnases ; les ennemis de Socrate furent exilés, et Mélitus en particulier condamné à mort. On éleva à la mémoire de Socrate une statue d’airain, œuvre de Lysippe, qui fut placée dans le Pompéium. Quant à Anytus, les habitants d’Héraclée le proscrivirent le jour même où il était entré dans leur ville ».
De fait, il semble que ce soit essentiellement pour les intellectuels, partisans ou adversaires de Socrate, que l'événement ait eu de l'importance. C'est ainsi que vers 393, le sophiste Polycratès fait paraître un pamphlet contre Socrate, donnant la prétendue transcription du discours d'accusation et lui reprochant d'avoir été le maître de Critias et Alcibiade, adversaires de la démocratie, pamphlet qui a donné naissance à une abondante littérature des disciples de Socrate, les dialogues socratiques (logoi sokratikoi).
Le 25 mai 2012, alors que la Grèce est plongée en pleine crise financière, Socrate est rejugé lors d'un procès fictif (en) organisé par la fondation Alexandre Onassis (en) et qui vise à « rétablir la réputation de la démocratie grecque ». Deux avocats représentent le philosophe devant 10 juges internationaux (Européens et Américains). Huit cents personnes assistent au spectacle tandis que les internautes peuvent suivre l'audience en direct. Cinq le jugent coupable, cinq innocent, si bien que Socrate est acquitté.
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BiBLIOGRAPHIE
- CC BY-SA
- Claude Mossé, Histoire d'une démocratie : Athènes, Le Seuil, « Points Histoire », 1971
- Claude Mossé, Le procès de Socrate : un philosophe victime de la démocratie ?, 2012
- Claude Mossé, - 399. Le Procès de Socrate, Bruxelles, Complexe, coll. « La mémoire des siècles », 1987 (ISBN 2-87027-201-4)
- Paul Veyne, « Les présupposés de la cité grecque, ou pourquoi Socrate a refusé de s'évader », dans L'Empire gréco-romain, Le Seuil, « Points Histoire », 2005
Harun Dianda Le Juriste
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