Tonto
by on April 21, 2022
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RÉPARATION D'UN PRÉJUDICE D'ANGOISSE DE MORT IMMINENTE
Aux termes de deux arrêts rendus en 2019, la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé les conditions dans lesquelles un préjudice d’angoisse de mort imminente (AMI), causé par un accident de la circulation, peut être indemnisé.
Cassation, Crim., 14 mai 2019, n°18-85.616
En l’espèce, le 6 septembre 2014, une femme a été violemment percutée par un deux-roues. Cet accident l’a laissée dans un état de coma, jusqu’à son décès survenu cinq jours plus tard.
Le Tribunal correctionnel a condamné le conducteur au paiement de plusieurs sommes d’argent aux proches de la victime, mais les a déboutés de leurs demandes d’indemnisation du préjudice d’angoisse de mort imminente.
La Cour d’appel de Caen a infirmé le jugement et a condamné le conducteur à payer la somme de 8.000,00 euros à l’épouse de la victime, au titre du préjudice d’angoisse de mort imminente. Pour se faire, les magistrats ont considéré que le passager « a eu conscience du caractère inéluctable de la collision puis, ressentant la violence du choc avant de tomber à terre, a subi une frayeur intense, réalisant le risque de mort imminente ».
Finalement, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé la décision de la Cour d’appel de Caen, estimant que « le préjudice de mort imminente ne peut être constitué que pour la période postérieure à l’accident et jusqu’au décès ».
Cassation, Crim., 25 juin 2019, n°18-82.655
En l’espèce, en janvier 2015, un conducteur a perdu le contrôle de son véhicule et a violemment percuté un poteau EDF implanté à côté de la chaussée, qui s’est alors abattu sur l’habitacle. Le passager du véhicule, âgée de 19 ans, est décédé sur les lieux.
Après une première décision rendue par le Tribunal correctionnel compétent, un appel a été interjeté.
La Cour d’appel d’Amiens a condamné le conducteur à payer aux proches de la victime la somme de 15.000,00 euros au titre des souffrances endurées, et 15.000,00 euros au titre du préjudice d’angoisse de mort imminente.
Finalement, la Cour de cassation casse l’arrêt en considérant que « le préjudice d’angoisse de mort imminente ne peut exister, d’une part, qu’entre la survenance de l’accident et le décès et, d’autre part, que si la victime est consciente de son état. »
Le préjudice d’angoisse de mort imminente selon la chambre criminelle de la Cour de cassation:
Si la victime doit pouvoir obtenir réparation de « tout son préjudice, rien que son préjudice » en vertu du principe reconnu en droit français de la réparation intégrale, le préjudice d’angoisse de mort imminente n’est pourtant nullement envisagé dans la nomenclature Dintilhac, qui répertorie chacun des postes de préjudice réparable.
En conséquence, l’indemnisation du préjudice d’AMI a fait son apparition au sein de la jurisprudence et est reconnu depuis 2012.
Il vise à permettre l’indemnisation de la souffrance morale subie par la victime qui a eu conscience de l’imminence de sa propre mort. Il s’agit donc de réparer les souffrances psychologies subies entre l’accident et le décès, et uniquement ces souffrances.
L’indemnisation de ce préjudice est d’ailleurs strictement conditionnée, compte tenu de sa particularité.
Tout d’abord, pour que le préjudice d’AMI soit retenu, il est nécessaire que la souffrance ait été subie entre l’accident et le décès de la victime.
Ainsi, comme rappelé dans l’arrêt daté du 14 mai 2019 précédemment expliqué, la chambre criminelle de la Cour de cassation refuse de considérer la souffrance qui a pu survenir avant l’accident au titre du préjudice d’AMI. L’indemnisation de ce préjudice ne se justifie que par la conscience du caractère inéluctable de sa propre mort après avoir subi l’accident, et non pas du caractère inéluctable d’avoir à subir un dommage du fait de l’accident.
Cependant, cela ne signifie pas que cette souffrance n’est jamais prise en considération : une indemnisation reste théoriquement possible, mais sur le fondement d’un autre poste de préjudice.
De plus, pour que le préjudice d’AMI soit réparé, il est nécessaire que la victime ait été consciente durant la période entre l’accident et son décès.
C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation, dans son arrêt du 25 juin 2019, a écarté la réparation d’un quelconque préjudice d’AMI pour les proches d’une victime dans un état comateux. En l’espèce, il n’est pas établi que la victime disposait d’un état de conscience suffisant pour envisager sa propre fin.
Pour finir, la preuve de l’existence de ce préjudice est facilitée, par le simple fait que le préjudice d’AMI n’est pas conditionné ou lié par l’existence d’un quelconque dommage corporel. Au contraire, il semblerait que la jurisprudence ait adopté une présomption, très favorable pour l’indemnisation des proches des victimes décédées.
Cependant, la jurisprudence n’alloue pas systématiquement l’indemnisation de ce préjudice d’AMI selon les circonstances de l’espèce. Ainsi, la durée de la période de survie peut être considérée comme trop brève pour que la victime ait pu avoir conscience de l’imminence de sa propre mort. De la même façon, en présence d’une victime particulièrement jeune qui n’aurait pas encore la notion du concept de mort, l’indemnisation de ce préjudice peut être écartée.
Par ailleurs, une divergence persiste dans l’appréciation de ce préjudice, puisque la première chambre civile de la Cour de cassation semble s’opposer au cumul d’une indemnisation au titre du préjudice d’AMI distincte d’une indemnisation au titre des souffrances endurées (pour plus d’information, lire notre article sur l’arrêt du 26 septembre 2019 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation : La réparation du préjudice d'angoisse de mort imminente : la position de la première chambre civile de la Cour de cassation).
Harun Dianda Le Juriste
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